Construction illégalement édifiée : l'indemnité d'expropriation est-elle due ?
Publié le :
26/04/2024
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Un bien immobilier peut faire l’objet d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, moyennant le versement d’une indemnité. Cette indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation au propriétaire dudit bien.
La question de la valorisation des constructions réalisées sans autorisation impacte sensiblement l’indemnité allouée aux propriétaires, aussi, elle fait souvent l’objet de litiges entre les parties, notamment parce qu’un doute subsistait lorsque l’infraction tirée de l’irrégularité de la construction était prescrite.
La décision de la Cour de cassation affirmant qu’une construction irrégulière ne donne pas lieu à indemnisation si elle est édifiée sur un terrain inconstructible, même si toute action en démolition est prescrite, mérite d’être soulignée.
Un projet d’aménagement portant sur le territoire de deux communes a été déclaré d’utilité publique par un préfet. Par suite, les terrains nécessaires à la réalisation du projet ont été déclarés immédiatement cessibles au profit de la SORGEM, société spécialisée dans l’aménagement du territoire, dont une parcelle sur laquelle un bâtiment de 20m² était édifié.
Cet arrêté a été suivi d’une ordonnance d’expropriation, mais en l’absence d’accord entre l’expropriant et la propriétaire de la parcelle sur le montant des indemnités de dépossession, la SORGEM a saisi le juge de l’expropriation compétent.
Le litige a été porté devant la cour d’appel, laquelle a fixé des indemnités alternatives en fonction de la reconnaissance judiciaire ou non du caractère illégal de la construction, en considérant que le préjudice afférent à une construction illégalement édifiée n’ouvre pas droit à indemnisation, sauf si l’infraction pénale était prescrite, ce qui était le cas en l’espèce.
Saisie du pourvoi formé par l’expropriant, la Cour de cassation rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L. 311-8 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, lorsqu’il existe une contestation sérieuse portant sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.
Elle énonce qu’aux termes de l’article L. 321-1 du même code, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation, et réaffirme la jurisprudence en vertu de laquelle seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation (3e Civ., 3 déc. 1975, n° 75-70.061 ; 3e Civ., 8 juin 2010, n° 09-15.183 ; 3e Civ., 11 janv. 2023, n° 21-23.792).
La construction en cause ayant été irrégulièrement édifiée sur une parcelle inconstructible, la Haute juridiction considère que la dépossession du propriétaire, qui n’invoque pas un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, n’ouvre pas droit à indemnisation, peu importe que toute action en démolition soit prescrite à la date de l’ordonnance d’expropriation.
L’arrêt d’appel est donc censuré pour avoir fixé des indemnités alternatives portant sur une construction illégalement édifiée. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour de cassation statue au fond pour fixer l’indemnité de dépossession par référence à la valeur du terrain nu retenue par l’arrêt et non contestée par la propriétaire.
Le cabinet AMMA AVOCATS propose son expertise juridique en droit de l’expropriation.
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Référence de l’arrêt : Cass. civ. 3ème du 15 février 2024, n° 22-16.460.
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