Travaux sur un ouvrage existant : revirement de la Cour de cassation sur le régime de responsabilité et d'assurance
Publié le :
17/05/2024
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La Cour de cassation a profité d’une récente affaire pour opérer un revirement majeur en droit de la construction en affirmant qu’un élément d’équipement installé ou ajouté sur un ouvrage existant, qui ne constitue pas en lui-même un ouvrage, relève de la responsabilité contractuelle de droit commun.
À la suite de l’installation, par une société, d’un insert dans la cheminée d’une maison, un incendie a détruit le bien immobilier ainsi que l’intégralité des meubles s’y trouvant. Imputant la réalisation du sinistre à l’installation de l’insert de cheminée, le couple propriétaire a assigné la société ainsi que son assureur aux fins d’indemnisation.
La cour d’appel a fait droit aux prétentions des demandeurs en condamnant in solidum la société et son assureur à indemniser le couple au titre de leur préjudice matériel ainsi qu’à verser une somme correspondant à la valeur de reconstruction de leur maison.
L’assureur s’est pourvu en cassation, reprochant aux juges du fond d’avoir estimé que les travaux de pose d’un élément d’équipement relevaient de la garantie décennale des constructeurs dès lors qu’ils rendaient l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Au contraire, l’assureur soutenait que les travaux d'installation d'un insert dans un conduit de cheminée existant, n'impliquant pas la réalisation de travaux de maçonnerie et ne portant pas atteinte au gros œuvre de l'immeuble, ne constituent pas un ouvrage.
Saisie, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence au visa des articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code civil et censure l’arrêt d’appel en détaillant son raisonnement.
Dans un premier temps, elle rappelle qu’elle jugeait, depuis 2017, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640 ; 3e Civ., 14 sept. 2017, pourvoi n° 16-17.323).
Elle explique que ce revirement avait un objectif de simplification en ne distinguant plus selon que les éléments d’équipement étaient d’origine ou adjoints à l’existant, dès lors que les dommages rendaient l'ouvrage en lui-même impropre à sa destination. Cette jurisprudence devait également accroître la protection des maîtres de l’ouvrage réalisant des travaux de rénovation.
Reconnaissant que cette solution n’a pas atteint ces objectifs, notamment parce que les installateurs d’éléments d’équipement susceptibles de relever de la garantie décennale n’ont pas plus souscrit à cette assurance obligatoire, la Haute juridiction décide d’y renoncer.
Elle affirme désormais que les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil. Ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs.
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Référence de l’arrêt : Cass. civ. 3ème du 21 mars 2024, n° 22-18.694.
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