Effet de la liquidation judiciaire sur le compte courant grevé d'un cautionnement
Publié le :
17/12/2024
17
décembre
déc.
12
2024
Dans le cadre des procédures collectives, le sort des contrats en cours est régi par des dispositions spécifiques du Code de commerce, visant à assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise en difficulté tout en protégeant les droits des créanciers. Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les contrats en cours de l’entreprise ne sont pas automatiquement résiliés par le seul fait de cette ouverture.
La Haute juridiction est venue préciser le 11 septembre 2024 l’interprétation des dispositions du Code de commerce relatives aux contrats en cours dans le cadre des procédures collectives, et notamment l’impact de la liquidation judiciaire sur la clôture des comptes courants, en revenant sur sa jurisprudence antérieure
À la genèse du litige, une société avait ouvert un compte courant auprès d’une banque, pour lequel une seconde société s’était portée caution de l’ensemble des engagements du souscripteur envers la banque et à hauteur d’un montant de 150 000 euros.
La société titulaire du compte faisant l’objet d’une liquidation judiciaire, la banque avait déclaré une créance de plus de 48 000 euros au titre du solde débiteur dudit compte, avant d’assigner en paiement la caution.
L’établissement bancaire est débouté de ses prétentions par la Cour d’appel, laquelle a retenu qu’il ne justifiait pas de la résiliation de la convention de compte courant par le liquidateur et qu’en conséquence, le solde du compte courant n’était pas exigible, et que bien qu’il justifiait avoir déclaré sa créance au titre du solde débiteur du compte courant, il ne démontrait pas son admission au passif de la société placée en liquidation.
Formant un pourvoi en cassation, la demanderesse arguait d’une part que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de la liquidation judiciaire prononcée à l’égard de celle-ci, son solde est immédiatement exigible de la caution, et d’autre part que si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s’impose à la caution, le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement, avant toute admission, en établissant l’existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun. La caution qui conteste la créance doit quant à elle apporter la preuve de son rejet.
Son pourvoi et rejetée par la Cour de cassation dont la décision est fondée par l’analyse combinée de sa jurisprudence antérieure et des dispositions du Code de commerce.
En effet, la Haute juridiction rappelle, dans un premier temps, que l’article L 641-11-1, I, alinéa 1er, introduit dans le Code de commerce par l‘ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire, et que ce texte, entré en vigueur le 15 février 2009, a transposé à la liquidation judiciaire les règles identiques résultant de l’article L 622-13 du Code de commerce édictées pour la sauvegarde et rendues applicables au redressement judiciaire par l’article L 631-14 de ce code.
En vertu de sa décision du 13 décembre 2016 (n°14-16.037), la chambre commerciale a pu juger que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, il en résultait que le solde de ce compte était immédiatement exigible de la caution.
Mais cet arrêt, dont la solution n’a pas été reprise par la jurisprudence ultérieure, ayant suscité critiques et interrogations de la doctrine, la Cour de cassation considère ici que le compte courant non clôturé avant le jugement d’ouverture constitue un contrat en cours, de sorte qu’en l’absence de disposition légale contraire, les textes précités lui sont applicables.
Dès lors, la jurisprudence de 2016 doit être abandonnée, et il doit désormais être jugé que l’ouverture ou le prononcé d’une liquidation judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner la clôture du compte courant du débiteur.
Au cas d’espèce, la Cour de cassation considère qu’en ayant énoncé à bon droit que le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne pouvait résulter de l’ouverture de la liquidation judiciaire, la Cour d’appel en a déduit exactement que la clôture du compte n’étant pas intervenue, le solde n’est pas devenu exigible, de sorte que la caution n’est pas tenue.
Le cabinet AMMA AVOCATS propose son expertise juridique en matière de procédures collectives.
Vous pouvez nous consulter, à Montpellier et à Nîmes, pour bénéficier de nos conseils et de notre accompagnement.
Vous pouvez nous consulter, à Montpellier et à Nîmes, pour bénéficier de nos conseils et de notre accompagnement.
Référence de l’arrêt : Cass. com du 11 septembre 2024, n°23-12.695
Historique
-
Effet de la liquidation judiciaire sur le compte courant grevé d'un cautionnement
Publié le : 17/12/2024 17 décembre déc. 12 2024ActualitésDans le cadre des procédures collectives, le sort des contrats en cours est régi par des dispositions spécifiques du Code de commerce, visant à assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise en difficulté tout en protégeant les droits des créanciers. Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de red...
-
Action en nullité et résolution du contrat et arrêt des poursuites
Publié le : 16/12/2024 16 décembre déc. 12 2024ActualitésLe Code de commerce pose au travers de l’article L 622-21 I, un principe fondamental qui est celui de l’arrêt des poursuites envers l’entreprise visée par une procédure de liquidation judiciaire. Plus précisément, le jugement d’ouverture d’une telle mesure a pour effet de suspendre ou interdire...
-
Résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges relatives à une occupation postérieure : le juge commissaire doit s’assurer que les sommes demeurent impayées
Publié le : 30/08/2024 30 août août 08 2024ActualitésEn application des articles L 622-14 2°, et R 622-13, alinéa 2 du Code de commerce applicables au redressement judiciaire par les articles L 631-14 et R 631-20 du même Code, le juge-commissaire, lorsqu’il est saisi par le bailleur d’une demande de constat de la résiliation pour défaut de paiement...
-
Travaux sur existant : quid de la réception tacite ?
Publié le : 09/07/2024 09 juillet juil. 07 2024ActualitésLa réception tacite d’un ouvrage repose sur la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux, laquelle résulte généralement de la prise de possession et du paiement du prix. Dans une récente illustration, la Cour de cassation affirme qu’en cas de travaux sur un ouvra...
-
Procédure de sauvegarde : quid de la sanction pour violation de l’interdiction d’aliéner un bien ?
Publié le : 09/07/2024 09 juillet juil. 07 2024ActualitésL’article L. 626-14 du Code de commerce dispose en son premier alinéa que : « Dans le jugement arrêtant le plan ou le modifiant, le tribunal peut décider que les biens qu'il estime indispensables à la continuation de l'entreprise ne pourront être aliénés, pour une durée qu'il fixe, sans son autor...
-
Travaux sur un ouvrage existant : revirement de la Cour de cassation sur le régime de responsabilité et d'assurance
Publié le : 17/05/2024 17 mai mai 05 2024ActualitésLa Cour de cassation a profité d’une récente affaire pour opérer un revirement majeur en droit de la construction en affirmant qu’un élément d’équipement installé ou ajouté sur un ouvrage existant, qui ne constitue pas en lui-même un ouvrage, relève de la responsabilité contractuelle de droit com...